Le Premier ministre a tranché : « Il y a des limites ». Sans que l’on sache s’il parlait de celles fixées à ses ministres ou de celles de sa méthode
François Bayrou, combien de lignes politiques ? « Une seule, celle portée par le Premier ministre », clame une ministre. Zéro, raille le RN. Au moins deux au sein de son gouvernement, à en croire le pataquès sur le port du voile dans le sport. La violence de l’affrontement entre la paire Gérald Darmanin-Bruno Retailleau, défavorable à tout signe religieux ostentatoire dans les compétitions, et le duo Marie Barsacq-Elisabeth Borne, a contraint le Béarnais à jouer les garde-chiourmes, lui qui se faisait le héraut de la liberté de parole.
Il s’agissait jusque-là de faire d’une faiblesse une force. Puisque ce gouvernement de petite coalition, issu d’un socle non majoritaire à l’Assemblée nationale, ne pouvait d’évidence parler à l’unisson, il fallait feindre d’organiser ses désaccords. Par la magie de l’expression « à titre personnel », les couacs se transmutaient en convictions, la cacophonie en polyphonie. A charge pour Matignon d’orchestrer la synthèse ou d’entretenir le flou. Ainsi sur le droit du sol, sur les retraites, sur la loi PLM, sur la fin de vie, sur la politique migratoire ou sur la fiscalité, les lignes divergeaient sans se mêler.
Le Premier ministre a donc tranché : « Il y a des limites ». Sans que l’on sache s’il parlait de celles fixées à ses ministres ou de celles de sa méthode. Car sans discipline gouvernementale minimale, il s’expose et s’affaiblit. La surenchère de ses barons, prêts à démissionner pour emporter l’arbitrage ? Une menace pour son autorité. La confusion des positions, jusqu’à la polémique ? Un risque de crédibilité pour un pouvoir déjà soupçonné d’absence de cap. Le savant équilibre entre régalien et social ? Un jeu politique trop proche du « en même temps » pour durer. Les Français souhaitaient de la stabilité. Gare à la perte en ligne.