Paris : L’État du Sénégal essuie un revers dans l’affaire EDR

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La bataille judiciaire entre Électricité du Rip (EDR) et l’État du Sénégal prend une tournure défavorable pour les autorités sénégalaises. Selon L’Observateur, la Chambre de commerce internationale du Tribunal de Paris a rejeté les demandes formulées par l’Agent judiciaire de l’État. Cette décision marque une nouvelle étape dans le contentieux qui oppose depuis 2021 la filiale d’Enco, propriété de Serigne Abdou Sy Al Makhtoum, au gouvernement sénégalais, suite à la rupture unilatérale d’un contrat d’électrification.

La procédure lancée en 2021 auprès du Tribunal arbitral de la Chambre de commerce internationale (CCI) par EDR, unique opérateur privé national de fourniture d’électricité, vient de connaître un développement révélateur de l’état préoccupant du secteur de l’électricité et des finances publiques au Sénégal. En effet, d’après L’Observateur, EDR, propriété de Serigne Abdou Sy Al Makhtoum, a remporté une victoire sans équivoque face à l’État du Sénégal, représenté par l’Agent judiciaire de l’État, assisté par le cabinet parisien Lazareff Le Bars.

Les poursuites liées à cet arbitrage, un temps suspendues en raison du défaut de paiement de la quote-part due par l’État du Sénégal à la CCI, sont sur le point d’être relancées. Toujours selon L’Observateur, le Tribunal arbitral, informé par les avocats d’EDR, a pris acte de cette situation. Dans une décision rendue le 26 septembre 2024 sur les frais d’arbitrage, il a rejeté l’ensemble des demandes formulées par l’État du Sénégal.

Le Tribunal a également refusé de faire supporter à EDR le remboursement des frais élevés d’avocats engagés par l’État dans cette procédure (L’Observateur, édition du 30 mai 2024). Pire encore, il n’a pas retenu l’argument du caractère abusif de l’arbitrage invoqué par le cabinet Lazareff Le Bars pour défendre l’État.

Dès le début de la procédure, les avocats de l’État avaient déjà échoué à obtenir gain de cause en introduisant une procédure de bifurcation visant à contester la compétence de la CCI. De plus, selon L’Observateur, l’Agent judiciaire de l’État sortant avait refusé de payer la quote-part des frais d’arbitrage, soit 50 % d’un montant total de 157 millions FCFA (260 000 USD), tout en débloquant près de 3 milliards FCFA pour les honoraires d’avocats et d’experts.

Le Tribunal arbitral a sévèrement reproché aux représentants de l’État sénégalais d’avoir décidé unilatéralement de ne pas s’acquitter de cette obligation, une attitude qui soulève des interrogations sur les véritables priorités du gouvernement dans ce dossier. Comme le souligne L’Observateur, cette affaire met en lumière le fait que les autorités semblaient davantage préoccupées par le paiement des honoraires d’avocats que par le fond du contentieux.

Avec l’arrivée d’un nouvel Agent judiciaire de l’État en mai dernier, une question demeure : suivra-t-il la ligne adoptée par son prédécesseur, au nom de la continuité de l’Administration, ou choisira-t-il une approche plus conciliante en engageant des négociations avec Serigne Abdou Sy Al Makhtoum ? Cette dernière option permettrait d’éviter une procédure coûteuse qui semble, sauf revirement de dernière minute, mal engagée pour l’État sénégalais devant une instance aussi rigoureuse que la Chambre de commerce internationale.

À l’origine, une rupture unilatérale de contrat par l’État
Comme le rappelle L’Observateur, le gouvernement sénégalais, en partenariat avec plusieurs bailleurs de fonds (Banque mondiale, Union européenne, AFD, KFW, BAD…), avait lancé en 2006 un vaste programme d’électrification rurale. Ce projet reposait sur un modèle où des opérateurs privés s’endettaient à la place de l’État, avec des subventions partielles non remboursables sous forme de dons pour alléger leur engagement financier.

Ce partenariat public-privé, censé permettre la construction d’infrastructures sans accroître la dette publique, a rapidement montré ses limites, notamment en raison du manque de préparation de certains acteurs publics face aux exigences du secteur privé. À la suite d’un appel d’offres international, EDR, société créée par Enco, avait été retenue pour électrifier la concession de la zone Kaolack-Nioro-Fatick-Gossas dans le cadre d’un contrat de 25 ans.

Le contentieux actuel trouve son origine dans une décision unilatérale du ministère de l’Énergie de résilier le contrat liant l’État à EDR. En décembre 2016, le gouvernement sénégalais avait décidé d’harmoniser les tarifs de l’électricité sur l’ensemble du territoire, réduisant ainsi le prix du kWh en milieu rural. Pour compenser ce manque à gagner, une subvention devait être versée régulièrement aux quatre opérateurs privés concernés (ONEE, STEG, EDR, ENCO) via le Fonds de soutien à l’électricité (FSE).

Cependant, comme l’avaient signalé les avocats d’Enco, attributaire des concessions de Kaolack-Nioro-Fatick-Gossas et de Kolda-Vélingara, le FSE ne disposait plus des ressources suffisantes pour assurer ces versements. Ces alertes, alors ignorées par les autorités, sont aujourd’hui au cœur du débat sur les limites financières d’un État sénégalais confronté à un endettement croissant.

La bataille juridique entre EDR et l’État du Sénégal se poursuit donc devant la Chambre de commerce internationale, où, selon L’Observateur, la situation semble de plus en plus défavorable pour le gouvernement Sonko-Diomaye.