Le ton monte entre l’Inde et le Pakistan après l’attentat qui a fait 26 morts au Cachemire

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La tension est montée d’un cran au Cachemire après l’attentat meurtrier de mardi.

Suspension des visas, expulsion de diplomates et fermeture de frontières, le ton est monté d’un cran jeudi entre l’Inde et le Pakistan après l’attentat qui a causé mardi la mort de 26 civils au Cachemire indien, dont New Delhi impute la responsabilité à Islamabad.

Sans mettre formellement en cause le Pakistan, le Premier ministre indien Narendra a durci son discours en promettant de traquer “jusqu’au bout de la Terre” les auteurs de l’attaque et leurs complices.

Mardi, au moins trois tireurs ont ouvert le feu sur des touristes dans la ville de Pahalgam, dans les contreforts de l’Himalaya, tuant 25 Indiens et un Népalais. Cette attaque, non revendiquée mais attribuée par l’Inde à des islamistes soutenus par le Pakistan, est la plus meurtrière visant des civils menée depuis 2000 dans ce territoire indien à majorité musulmane.

La police a diffusé les portraits-robots de trois suspects, dont deux ressortissants pakistanais, les présentant comme membres du groupe islamique Lashkar-e-Taibad, basé au Pakistan et soupçonné des attaques djihadistes qui ont visé la mégapole indienne de Bombay en 2008, faisant 166 morts. Une récompense de deux millions de roupies (près de 20’000 francs) est offerte pour toute information permettant leur capture.

Des mesures de représailles des deux côtés

Le Premier ministre indien Narendra Modi. [Keystone]
Le Premier ministre indien Narendra Modi. [Keystone]

Dès mercredi, le gouvernement ultranationaliste hindou de New Delhi a annoncé une série de mesures de représailles diplomatiques. Parmi ces décisions figurent la suspension d’un traité sur le partage de l’eau, la fermeture du principal poste-frontière terrestre entre les deux pays et le rappel de diplomates.

Jeudi, le ministère indien des Affaires étrangères a aussi annoncé la “suspension à effet immédiat” de la délivrance des visas aux Pakistanais et l’annulation de tous ceux en cours d’ici au 29 avril. “Tous les citoyens pakistanais actuellement en Inde doivent quitter l’Inde” d’ici là, a-t-il ajouté.

A l’issue d’une rare réunion de son Comité de la sécurité nationale, le Pakistan, qui a nié toute responsabilité dans l’attaque, a aussi annoncé une série de mesures de rétorsion, annonçant l’expulsion de diplomates et la suspension des visas indiens, ainsi que la fermeture de sa frontière et de son espace aérien.

Promettant des “mesures fermes” contre toute “menace indienne”, Islamabad a également averti que toute tentative par son voisin de réduire son approvisionnement en eau de l’Indus serait considérée comme un “acte de guerre”.

La région de Pahalgam, dans le Cachemire indien

Une région sous tension

Les tensions entre ces deux puissances nucléaires, qui s’étaient apaisées depuis quelques années, sont à leur plus haut depuis cet attentat. De nombreux experts anticipent une riposte militaire de New Delhi, comme ce fut le cas en 2019 après une attaque meurtrière qui avait visé un convoi de militaires indiens. “Cette attaque va faire revenir les relations entre les deux pays à leurs heures les plus sombres”, a ainsi estimé l’analyste Praveen Donthi de l’International Crisis Group.

Le Cachemire a été partagé entre l’Inde et le Pakistan en 1947, lorsque ces deux pays ont accédé à l’indépendance. Ils continuent depuis à réclamer la souveraineté de l’ensemble du territoire. Les tensions sont régulières et des dizaines de milliers de soldats indiens sont présents dans le nord du pays. Depuis 1989, les combats entre l’insurrection séparatiste et les troupes indiennes ont fait des dizaines de milliers de morts dans la région. Narendra Modi a en effet étouffé les mouvements dissidents avec une forte répression.

Pour Charlotte Thomas, chercheuse associée au centre indépendant Noria interrogée jeudi dans Tout un monde, l’enjeu du Cachemire prend plusieurs formes pour Narendra Modi: capter les richesses de la région, assurer les revenus liés au tourisme et gérer les eaux de l’Himalaya, qui alimentent tout le nord de l’Inde et qui permettent également de produire de l’électricité.

Et la problématique du Cachemire est aussi religieuse, relève cette spécialiste de la région: “Les habitants du Cachemire considèrent que depuis 2019, il y a une volonté de la part du gouvernement central de Narendra Modi, qui est un pouvoir nationaliste pro-hindou et hostile aux minorités religieuses, de remplacement démographique, c’est-à-dire de remplacer la démographie de ce territoire musulman à 90% par des hindous.”